vendredi 19 mars 2010

Soleil


Alors comme ça, il fait soleil. Mouaich… Et ? Ah oui pardon ! C’est censé nous mettre en joie. Bien. D’accord. Si vous le dites. Vous êtes en joie, donc. Parfait. Chouette. Contente pour vous. Ensuite ? Comment ça, rien ? De qui se moque-t-on ? Me contenter du soleil ? Et quoi encore ? Me contenter du soleil… Ah parce que le soleil me rendra belle, riche et heureuse, peut-être ? Sans blague. Connard.

jeudi 18 mars 2010

Tunnel


Elle était parvenue à se caler sur un strapontin entre une grosse dame à cabas et la paroi du vieux métro. Ne pas bouger.

Elle tâcha un temps de se concentrer sur son voyage. Quelle station ensuite ? Combien avant de se désincruster de là ? Elle opéra ainsi une simili maîtrise sur son propre esprit. Deux minutes. Deux minutes d’emprise sur la bestiole et patatras. Elle dessina mentalement son visage si beau et pourtant si dur. Si brun. Si loin. Ne pas pleurer.

Elle avait imaginé les promesses, les avaient inventées. Devinées ? Seulement créées. Sa présence ? Ses visites ? Ses caresses ? Ses appels ? Ses mots ? Des faits. S’en tenir aux faits. Ne pas pleurer.

Baladée dans le tunnel, elle songea qu’elle s’était finalement investie seule dans cette histoire. Elle s’y était abandonnée. Confiante. Bercée de promesses non établies. Rêvées. Imaginées. Ne pas pleurer.

Elle en était là de ses manipulations mentales quand son métro stoppa dans la station finale. Extraction d’entre les autres. Elle demeura un instant seule sur le quai. S’était-elle investie à perte ? Ne pas pleurer.

En remontant à la surface elle accepta d’avoir eu tort de vouloir dominer la trajectoire de cette histoire. Les promesses imaginées figuraient des balises qu’elle semait ça et là autour de ses attentes. Ses certitudes. Illusions.

Que n’avait-elle finalement jamais cessé de réclamer ? Des preuves d’amour ? Un engagement ? Plutôt un droit à l’existence. Dans ses yeux à lui qui se serait reflété en elle. Qu’avait-elle attendu de lui qu’elle n’avait pas reçu de qui ?

La certitude d’être aimable. Ne pas pleurer.


mardi 16 mars 2010

Une passade manquée.


Je l’ai d’abord trouvé bel homme. Distant. Sûr de lui. J’étais intimidée. Il est arrivé après nous tous, qui déjà, avions pris place autour de cette table inattendue sur un plateau de théâtre. Première séance de lecture. Présentation des autres et de chacun. Qui fait quoi. Qui dit quoi. Qui est qui. Lui nous éclairerait, alors ?

Les semaines qui suivirent se remplirent du texte à jouer, de ses interprétations diverses. Très vite, nos corps prirent la scène d’assaut. Nous avons rempli l’espace à tâtons. Puis de plus en plus précisément. Presque. Au néon.

Un matin de énième répétition, il réapparut. En silence. S’assit et regarda, écouta. Trouble en moi. Mon texte disparut de partout ; de ma mémoire ; de ma loge. Noir.

Un autre jour il éclaira un peu, pour voir. A tâtons, là encore. Essais. Pendant que nous jouions de plus en plus précisément. Nos mouvements se fixaient au plateau. Réglages. Silence.

Je connaissais son nom. Je connaissais sa voix qui profitait à d’autres. Timide sur et hors plateau. Troublée.

Semaines et semaines plus tard, nous investîmes tous l’endroit pour ne plus le quitter que tard le soir. La première approchait. Filages, réglages, italiennes et allemandes se succédèrent. Pauses repas entre. Tous ensemble. Moi silence. Comme bouche bée.

Puis première. Puis tournée. Texte, mouvement, lumière mais silence. Attraction sans réaction. Noir.

Dernière date. Rideau.