lundi 10 octobre 2011

Chut (11)



Pochette pour femme, très comme il se doit : petit bazar et papiers officiels. Anna saisit le rouge à lèvres échoué au fond. "Tu es plutôt bronzée", s'intéresse sa soeur tandis qu'elle oeuvre son bord de lèvres au miroir. "Je sors - Attends ! - Qu'y a-t-il ? - Rien - D'accord." Claque porte. Esther se tord la bouche de la douleur infligée. Se tient à la tête fer du lit. Se jette sur la bouteille des prunes et boit le goulot. La jette et son corps, aussi, par terre, de mal et d'humiliation en sus. "Je dois garder ma tête" et geint. Elle prie mourir à la maison, s'accroche au matelas comme si échouée au centre de rien. Elle appelle comme au secours par le cordon moderne. Attend. La voix du majordome et charabia l'apaisent enfin. Le vieux servant la fait s'installer confortablement sur l'édredon de savon qui sent frais. Lui passe un gant humide comme l'on fait pour un enfant malade mais pas grave. Lui passe un miroir à main avec peigne. De l'eau, aussi. Assez des prunes ! Elle fait signe d'avoir envie de manger. Le monsieur fait signe que d'accord et emmène les draps dans sa course.

vendredi 7 octobre 2011

Chut (10)



Anna, la mère, se lave à grandes eaux, au-dessus du lavabo de la salle de bain. Nue. Elle s'essuie dans le doux de la serviette-éponge blanc-savon, au son de la cascade sur émail. Se voit dans le miroir. Et voit sa soeur, comme en abîme. Pendant ce temps, dans son aventureux couloir, Johan joue les ombres chinoises et cavale. Il s'arrête au pas d'une porte, épie. Six messieurs nains s'affairent. Dans les fauteuils et sur le lit. Fument le cigare, boivent, lisent, battent le cartons, bricolent. L'enfant les vise du jouet et bang ! Les petits s'affalent un à un, en rires. Un lion nain surgit, en cris. Il tire. Une petite main au bras soyeux le somme d'entrer. Ils l'habillent d'une robe avec volants. Des souris, Cendrillon. Tandis que salle de bain, Anna, chignon, robe pour dame. Sous l'oeil de sa soeur Esther. C'est grabuge et rigolade chez les messieurs nains. Cabrioles et déguisements. Des jeux d'enfants avec messieurs. Lit-trampoline et cris. Jusqu'à l'arrêt soudain : entrée du monsieur nain, costume et chapeau. L'enfant raccompagné, chacun se hâte de ranger. Couloir, pipi contre le mur avec presque moquette, sifflote. Mains dans les poches en culottes courtes.

jeudi 6 octobre 2011

Chut (9)




Le bruit d'un avion fend la sieste et le voilà debout, l'enfant. Il appelle Mama qui ne se soulève que pour se rendormir d'un souffle. Il s'habille, s'équipe d'un gun/plastique et sort de la chambre moquette, pénètre le corridor long comme plus que sa vie. Il s'aventure. Un grincement, vite ! cachons-nous ! Un ouvrier traverse avec escabeau qui grince et grince. Se rapproche et… bifurque. Sauvé ! Curieux, l'enfant le suit, le rejoint. L'homme répare à présent un lustre qui cliquète quand on le répare. Au bas de l'échelle, l'enfant le met en joue. Et tire. L'homme ne pipe et le fixe. Même pas peur, l'enfant recule dans une grimace qui fait tintamarre. Passe à la suite. Caché derrière un gros vieux fauteuil, il scrute le majordome aux mille sonnettes. Dring !, sursaute, se lève, voit l'enfant. Amusé, le vieux servant s'approche de lui dans son charabia accordé à "käsi". L'enfant s'enfuit. Court. Court le couloir plus long que sa vie à lui, malgré les moquettes. Un recoin, un tableau. "Bonjour Monsieur", dit-il au monsieur nain qui passe, costume-chapeau. Sursaut ! Majordome-charabia le surprend, tente de le retenir. En vain. Johan s'échappe. Corridor. Porte. Le vieux servant jette l'éponge, donne sa langue au chat et part. Johan réapparaît. Seul. Souffle. Mains dans les poches en culottes courtes.

mercredi 5 octobre 2011

Chut (8)




À travers la fenêtre, la tante entend le chahut de la rue. Elle fait glisser le rideau pour voir, à travers le carreau, le mouvement du bruit des voitures-et-passants. Devant la terrasse du café d'en bas, les vivants fourmillent dans le chaud du soleil, sur fond de moteurs en route vers plus loin et d'avertisseurs sonores qui ponctuent pour un rien. Elle court éteindre le poste de radio comme pour faire stopper le vacarme du dehors les murs. Cigarette et vodka d'un trait. Silence. Ça fronce, mais encore.  Bouteille vide. Presse-bouton du bout du cordon de sonnette moderne. On frappe. Porte ouverte. Il entre queue de pie, lunettes, sourire et dents. "Parlez-vous… fran-çais ?" avec accent de la Suède, cibiche aux lèvres, bouteille au poing et pyjamas sur belle moquette. "Do you speak English ?" - "Sprechen Sie Deutsch ?" Muet, il s'empare du verre sifflé, mime une promesse de retour. Elle sifflote d'un acquiescement qui la dandine, de dos, dans le miroir, les pieds nus. Puis fauteuil,  cigarette. Chantonne. On frappe. Sourire. Eau de prune sur un plateau. Le monsieur ne fume pas. Mais "main" ? Comment tu dis "main", Monsieur ? "Käsi", c'est écrit. On sonne pour lui. Il rit mais court, car il y a métier. Elle reste avec bout de papier et la vie des prunes. Elle s'assoie sur le lit. Un temps. S'allonge et caresse la sienne, de vie. Comme entretien d'une espérance. D'une sieste, l'autre.

lundi 3 octobre 2011

Chut (7)





Dans la chambre qui communique, la tante lit, fume et s'étouffe de douleur. L'alcool fort, quoique blanc, n'y fait rien de mieux. Elle enclenche le bouton/pouvoir du poste de radio. Fanfare ! Dansent ses doigts fins sur la Bakélite.  Il y a la douleur pourtant, encore. Elle cherche la diversion et tourne le bouton des stations qui chantent. Cordes aériennes comme un répit subreptice. Ses yeux ferment la chambre alentour, sa bouche joue à sourire ouverte. Le livre en cours rejoint ses mains mais n'y tient pas. Las, elle se lève et pénètre dans la chambre où l'enfant, sa mère et le sommeil lui font envie. Leur abandon lui fait envie. Le silence de leur corps intérieur. Elle fume et elle envie. Elle fume et se penche au-dessus, caresse les boucles brunes de sa soeur, du bout des doigts Frôle la peau de l'enfant et s'en va. Elle rejoint les cordes aériennes qui volettent dans l'air et spasmes de sa chambre où le sommeil n'est pas.