jeudi 15 juillet 2010

Chartier (sixième suite)


Episode 6

Un deuxième mois sous les mêmes auspices a eu raison de mon élan. Vie nocturne et rendez-vous diurnes se sont accumulés en tas dans mon agenda. J’ai croulé sous. Régime alimentaire liquide, ou solide quand plus l’heure. Des muscles à la gomme et le moral bâtard.

S’est imposée, ensuite, la réclusion at home. Doubles rideaux tirés sur le soleil intrusif. Ecrans online et on air. J’ai ainsi passé des jours-et-nuits devant l’un et l’autre. Séries télévisées sous-titrées, Internet… J’ai passé des jours pour atrophier ce cerveau qui n’était plus mon ami. « Ne pas penser ! », j’y disais. J’ai eu rapidement raison de lui. La culture américaine a cela de rassurant qu’elle n’échafaude que très rarement de quoi glisser vers la rayure de cortex. Le manque d’un sommeil à heures fixes a achevé de niveler l’organe vers les bas-fonds de ce à quoi pouvait ressembler ma vie. Le corps, parfois, a marqué quelques soubresauts qu’il est aisé de faire taire. D’une seule main.

J’ai traîné ma vacuité un nouveau mois entier. Livraisons de nourritures faciles et boissons avec et sans. Ecoute des messages téléphoniques sans rappeler qui que ce soit. Lavage quand sueur. Pas de rasage.

Mon unique sortie, en barbe et T-shirt de coton noir avec baskets, m’a conduit à la terrasse d’un café de la place Victor-Hugo. Par test. Confrontation expérimentale avec le dehors des autres, les normaux. Je me suis armé d’un livre de poche. Un Jauffret.

Rapidement, ma lecture a été parasitée par une conversation dans mon dos. Deux hommes au parler commercial à costume ont envahi l’espace mental que je tentais alors de combler par les courts textes de Ce Que C’Est Que L’Amour. Ca causait relations humaines, gestion de l’agressivité du client, astuces de désamorçage… J’ai posé mon livre sur la table pour mieux entendre les propos mal cousus de mes compagnons de terrasse. Parmi les fautes de français et les dictons inopportuns, un flot de sottes théories était déversé. Ca causait techniques de vente alors qu’il n’était question que de prise de pouvoir. J’ai avalé mon café d’un trait et me suis sauvé à l’intérieur de mon appartement sombre et mal rangé.

Dans cet antre, pendant des jours, je n’ai pensé qu’à la fille.

Où est-elle ? Que fait-elle ? Qui est-elle ? Pourquoi ce silence ?

A ce stade, son absence est devenue une torture.

J’ai tenté de la joindre au téléphone des milliers de fois, sans doute. En vain.

Peut-être lui est-il arrivé quelque chose. Genre grave. Genre maladie, accident, mort. Ou pire.

J’ai cru devenir fou, puis le suis devenu. J’ai cessé de me nourrir et n’ai bu que des sortes d’alcool fort. Très fort. Je me suis assommé de cela.

Passait en boucle en mon esprit cette dernière fois. Ce dernier matin avant le bistrot d’en bas. Son silence, déjà ce jour.

Je me suis écroulé un soir. Des heures ou des jours, qui sait ?

A suivre...

5 commentaires:

  1. Même les salauds peuvent morfler...
    Vivement Jeudi !!!

    RépondreSupprimer
  2. Si je peux me permettre, vous avez peut-être confondu hospices et auspices. Mais je peux me tromper! ;o)

    RépondreSupprimer
  3. Il n'y a pas de "peut-être" qui tienne ! J'ai confondu lamentablement. Merci Monsieur Pow Wow et n'hésitez pas à vous permettre encore, si jamais...

    RépondreSupprimer
  4. Alain Descarmes soi-même... Pfiou, comme on dit.

    RépondreSupprimer